Beaurecueil, petit village au pied de la montagne Sainte-Victoire, a vu passer quatre générations de restaurateurs hauts en couleurs qui ont marqué pendant plus de 50 ans la vie politico-gastronomico-touristique entre Marseille et Aix ! Pour décrire ce petit monde digne héritier de celui de Pagnol, il suffit de quelques anecdotes.
La premiêre date de l'époque où il n'y avait là, au pied de la montagne Sainte-Victoire, qu'un bistrot de village. Il était tenu par une pittoresque patronne qui n'a rien trouvé de mieux que de brûler les méchants "dessins" qu'un des clients de passage lui avait laissés en rétribution. Ce client-là, vous l'aviez deviné, s'appelait Cézanne !
Vraie ou fausse, l'anecdote amusait sa belle fille, Gabrielle Jugy, cuisiniêre célêbre pour son accent et sa gentillesse vraie, qui a passé sa vie à multiplier les pieds et paquets et à sortir des lapins de sa cocotte magique, pour des tablées de bons vivants que son Fernand d'époux accueillait au début le verre à la main. Parmi ses copains, il y avait le "Gastounet", qui venait oublier ici qu'il était le maire de la seconde ville de France, Marseille.
Au fil des décennies, les tablées sont devenues des tables plus cossues, les têtes ont changé mais les pieds et paquets ont été de toutes les fêtes...
L'envie de vivre et réussir de son gendre et successeur, l'irrascible et irrésistible René Berges, a secoué dans les années 80 les murs de la vieille maison qui ont laissé tomber leur triste platrâs pour prendre de l'extension et des couleurs nouvelles.
Les amateurs d'exotisme, à la recherche de vrais plats provençaux et de réparties pittoresques, pouvaient espérer entendre, certains soirs, rugir en cuisine cet émule de Raimu, au vocabulaire encore plus riche que la cuisine de coeur et de parfum qu'il proposait alors dans un menu-dégustation en 13 plats.
Mi-César régnant sur son petit univers, l'oeil malin, la moustache en colére, mi-Marius de retour au pays pour épouser la fille de la maison, qui continuait de trottiner dans la maison en se moquant des modes et des réflexion de son "bonhomme", il a fait du Relais une des grandes tables de la région.
Jusqu'au milieu des années 90, le spectacle fut ainsi en permanence dans la salle, sur fond de tentures changeant selon les saisons, de vitrines de santons et de barbotines, de serveurs faussement blasés.
Gabrielle Jugy s'éteignit doucement aprés avoir fêté les 40 ans du Relais, rassurée sur le sort de tout ce petit monde, sa petite fille Natacha étant prête à venir à son tour apporter sa contribution à la saga familiale.
Et la vie a continué, sous les applaudissements des guides gastronomiques et touristiques, ravis d'avoir à se mettre sous la dent ce lieu chaud qui devenait carrément "show" certains soirs d'été, quand se croisaient un Trenet venu en voisin et les stars des festivals alentour faisant parfois de grands détours pour ne pas manger triste.
De l'oeuf poché à la crême de truffes comme l'aimait la mamie au carré d'agneau lustré de miel de Beaurecueil en passant par les tomates confites sur une tarte feuilletée, servies avec des filets de sardines grillées, de l'huile d'olive parfumée à l'anchois et quelques oignons frits, on n'en finissait plus de saliver à retardement devant ces plats imaginés par le bon Roi René, entre deux voyages "d'études" dans les îles ou au Japon.
Ce qui ne changea pas, ce fut l'accueil, le cadre chaleureux et les desserts savoureux, avec quelques chefs d'oeuvre comme la dentelle au romarin ou la tarte fine aux pommes.
Puis vint le changement de siècle, et l'envie de passer à autre chose. Le fait de refuser l'étoile Michelin a fait beaucoup parler du Relais, en France comme en Provence, tout autant que la volonté annoncée peu aprés de vendre la maison mére pour vivre sans le stress accumulé au fil des ans.
Au début, il ne fut question que de « retaper » une ancienne bergerie, pour permettre à Natacha et Ronan Duffait de proposer à prix doux, une cuisine et un art de vivre appris quelques mêtres plus haut, au Relais.
La maison que vous découvrez aujourd'hui, avec ses dimensions, son confort, son charme, son patio, est le prolongement de ce rêve, réalisé avec le soutien de la mairie de Beaurecueil, qui n'aurait pas aimé que la saga des Jugy-Bergès s'arrête. En fait, on parle désormais des JuBergFait, néologisme inventé par le pêre à qui la famille cette fois a tenu tête, préférant parler de « La Table de Beaurecueil ».
Vous découvrirez peut-être la famille au grand complet lors de votre passage, car les différentes générations continuent ici de se croiser.
La suite, à vous de la découvrir, autour d'un plat, autour d'un verre, et plus si affinités.